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Photo du rédacteurFrank PUGET.

La crise est une rupture; la France a aussi des atouts pour rebondir.

La crise sanitaire que nous vivons pour la seconde, peut-être la troisième fois de notre Histoire des XXème et XXIème à l’échelle planétaire est un choc pour notre monde policé et hyper-organisé. Pourtant, elle aura, sur le plan de l’attrition, fait moins de victimes en France que ses prédécesseurs, la grippe de Hong Kong en 1968 (31 000 morts) et la canicule de 2003 (15 000 morts environ). Ce qui, au passage, pose la question de l’utilité du matraquage médiatique et de son but réel, mais c’est un autre sujet.

Au-delà de ce triste bilan, cette crise ou plutôt la gestion de cette crise va avoir des répercussions fortes sur le plan économique, donc social. Cette phase risque de durer plus longtemps dans ses conséquences que la crise sanitaire. J’ai dit dans mon article précédent, « Après le corona virus[1] » qu’il fallait sans attendre, se préparer la sortie et rebondir. Tout n’est pas donc négatif cependant.

Sans prétendre qu’il y a des aspects sur lesquels il faudrait se réjouir, c’est exagéré, il faut noter cependant des points positifs au-delà des critiques, justifiées, sur la problématique des stocks de produits de protection et des tests. La situation est grave, certes, mais pas catastrophique si nous savons tirer parti de nos atouts.

Les grands secteurs stratégiques, énergie, communication, alimentation, agriculture, bien que sévèrement touchés ont fait preuve, globalement, d’une bonne réactivité et de résilience. Dans sa grande majorité, la population, pour l’instant épargnée par les pénuries il est vrai, a montré sa discipline et sa solidarité. De nombreuses entreprises, tout au moins celles qui l’ont pu, ont réagi et innové en transformant la destination de leurs services ou de leur production. D’autres, ne pouvant opérer comme avant, investissent sur l’avenir et la reprise d’activité et se préparent activement (organisation, projets, de clients, screening de fournisseurs...) et prennent de l’avance.

Je ne sais si le choc que nous subissons en ce moment provoquera cette rupture avec nos habitudes et initiera ce changement profond que j’appelle de mes vœux. En attendant, je note avec espoir cette capacité à réagir et à faire différemment d’un certain nombre, personnes, entreprises et de quelques administrations nationales ou territoriales.

Prenons le secteur de l’énergie avec ses grands et plus petits opérateurs. Bien que nous ayons été servis par la météo et le printemps, nous n’avons pas eu à souffrir de coupures massives et de délestages d’électricité. Comme nous l’utilisons en permanence et au quotidien, peu de gens semblent s’être posés la question de savoir comment cela a pu être possible. Comment nos opérateurs, affectés au même titre que l’ensemble de la population avec du personnel confiné, voire affecté par le virus donc en nombre restreint, se sont organisés pour maintenir la production et la distribution de l’énergie ? Cela dénote, d’une part une préparation intellectuelle et opérationnelle aux crises et, globalement, une bonne réactivité. Plusieurs grandes entreprises ont leur cellule d’anticipation et de gestion des crises. Voilà un premier signe encourageant. D’autant qu’il s’agit là d’un secteur éminemment stratégique. Plus d’électricité ; plus rien ne fonctionne au-delà de l’autonomie des batteries. On ne fait plus la cuisine dans bien des maisons, on ne chauffe plus, on ne peut plus utiliser les pompes à essence, la signalisation routière, ferroviaire et aérienne est en panne, plus de téléphone ni d’ordinateur, etc.

De même, excepté quelques baisses de rapidité, les flux de communication internet des différents opérateurs et les communications téléphoniques n’ont pas été particulièrement perturbées. Ce qui permet à de nombreuses administrations et entreprises de continuer à fonctionner, aux particuliers de maintenir les liens familiaux et amicaux. Le maintien de la capacité internet et, soulignons-le, l’engagement et les initiatives des écoles, des universités et de bien des professeurs permettent, tant bien que mal, de continuer les cours et la préparation des examens. Ce n’est pas la panacée, mais on soulignera l’effort.

C’est dans le domaine de l’alimentation, de la production, chez nos agriculteurs, à la chaîne de distribution (transport et commerces) que nous constatons un énorme effort de réactivité et d’adaptation. Ce n’est pas anodin car cela permet à la population de se nourrir. Il n’y a pas eu actuellement de pénurie sévère. C’est vital au sens propre du terme, mais aussi pour la sécurité publique. Pourtant, les difficultés sont nombreuses. Déjà nous découvrons que, comme les médicaments, nous dépendons de la production agricole de pays étrangers qui se tournent, à l’instar de l’Espagne par exemple, vers ses besoins intérieurs. Et brutalement, nous redécouvrons que la paysannerie française est tout à fait apte à nous procurer une autosuffisance alimentaire. Encore faut-il lui donner maintenant les moyens physiques pour récolter et collecter le lait, les œufs … et à moyen terme pour cultiver et semer si nous voulons avoir quelque chose à récolter plus tard. Pourtant en dépit des handicaps qui lui sont infligés, notre agriculture se bat et tient tant bien que mal … pour l’instant. Les transporteurs arrivent encore à faire circuler leurs camions bien que, tout comme la grande distribution, ils font face à un absentéisme désolant (beaucoup de chauffeurs des pays de l’Est ont préféré rentrer... Là aussi l’ingéniosité, l’innovation dans l’opérationnel est remarquable. Ceci ne doit pas nous exonérer d’une réflexion profonde sur les causes de ces absences et du manque d’intérêt ante crise pour les produits agricoles français. Ce qui d’ailleurs, sera valable pour tout le reste.

Je note aussi avec intérêt la discipline globale de la population française. De nombreux actes irresponsables sont enregistrés certes. Mais je constate quotidiennement que la majorité de la population respecte les règles. Pour un pays aux 258 fromages, ingouvernable selon Charles de Gaulle, cela mérite d’être relevé. Il faut, et il faudra ensuite à mon sens, cesser de se polariser sur les minorités désobéissantes, malveillantes ou suffisamment influentes pour faire parler d’elle au-delà de leur représentation réelle et concentrer les efforts sur l’immense majorité respectueuse des lois qui, elle, construit et maintient la France au quotidien.

Le mot de la fin sera bien sûr pour le personnel soignant qui se bat, à la française, c’est à dire avec les moyens du bord … quand on les lui laisse utiliser (cette cadre infirmière qui met sous clef des blouses et des masques offerts par une entreprise parce que cela ne vient pas de l’administration !!! ou cette même administration qui bloque les initiatives privées de production de masques et de blouses en France … parce que ce n’est pas prévu dans les règlements…). C’est une curieuse tendance à constater que, dans bien des cas, une certaine partie de la hiérarchie, quelle qu’elle soit, reste inerte face à une situation d’urgence ou délicate, comptant implicitement sur l’engagement du corps intermédiaire pour pallier les déficiences du système. Cela se vérifie hélas dans bien des secteurs d’activités du public comme du privé et contribue à discréditer les échelons dirigeants.

Tout cela pour dire que depuis deux mois, nous sommes ensevelis sous les nouvelles, toutes plus alarmantes les unes que les autres. Je ne veux rien minimiser des risques de cette pandémie, mais je vois dans ce que je viens de citer un formidable rayon de soleil. Nous avons une magnifique capacité de réaction, peut-être la même qui faisait dire au général allemand Molkte « je ne comprends pas comment une armée qui retraite depuis dix jours peut se relever soudainement au son du clairon et contrattaquer ».

Les Français ont du potentiel. Il faut en prendre conscience et y croire. Bien sûr la France ne pourra pas faire tout toute seule. Mais la leçon positive de cette crise est que nous constatons que nous ne sommes pas que des moutons passifs. Il va maintenant, et surtout une fois que le gros de la crise sera passée, repenser notre modèle social et économique. S’intéresser aux circuits courts, à la réindustrialisation, à une meilleure productivité, à ramener la fiscalité à un niveau suffisant et supportable et à simplifier notre administration et notre système politique. Je suggère à cet effet que nos parlementaires se penchent sur l’idée de mettre en place la règle « annule et remplace » lorsqu’ils veulent légiférer. Ce qui aurait le double mérite d’obliger l’impétrant législateur à prendre en compte toutes les conséquences législatives et réglementaires de son projet de loi et, pour ceux qui sont censés l’appliquer et le faire appliquer, de simplifier et de clarifier la loi.

Je reste lucide sur les difficultés qui nous attendent et peut-être sur les menaces qui planent, mais résolument optimiste sur notre capacité à rebondir, surtout si elle peut s’appuyer sur un catalyseur, en un mot, un Chef, un vrai que l’on veut suivre et dont on soit fier.

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