Les entreprises sont confrontées à un défi grandissant : la protection de leurs informations stratégiques face aux risques d’ingérence étrangère. Les entreprises opérant dans des secteurs sensibles comme l’énergie, la défense, les technologies de l’information, la biotechnologie ou encore les infrastructures critiques sont particulièrement exposées. Ces menaces ne viennent pas uniquement de concurrents économiques, mais aussi de certains États cherchant à renforcer leur position géopolitique. Alors, comment les entreprises peuvent-elles se prémunir contre ces risques ?
1. Ingérence étrangère : un risque permanent pour les entreprises et des modes d’action variés
L’ingérence étrangère pour les entreprises fait référence à l’intervention ou l’influence d’entités extérieures, souvent gouvernementales, dans les affaires internes ou les décisions stratégiques d'une entreprise située dans un autre pays. Ce type d’ingérence peut être motivé par des intérêts politiques, économiques ou stratégiques. Les formes d'ingérence étrangère envers les entreprises incluent :
Influence sur la gouvernance : pression exercée sur les dirigeants ou actionnaires pour orienter les décisions de l'entreprise en faveur des intérêts du pays étranger. Des concurrents ou des agences étrangères peuvent par exemple recruter des employés pour collecter des informations de manière clandestine.
Cyberattaques et espionnage industriel : tentatives d'accès à des informations sensibles pour exploiter des brevets, des innovations ou des données commerciales et nuire à la compétitivité de l’entreprise. Des concurrents ou des agences étrangères peuvent par exemple utiliser des logiciels malveillants ou de techniques d’hameçonnage (phishing) pour accéder à des réseaux d’entreprise et exfiltrer des données.
Contrôle de l'information : campagnes de désinformation visant à ternir la réputation de l’entreprise ou à manipuler les perceptions du public et des investisseurs.
Prise de contrôle : acquisitions stratégiques par des entreprises d’État ou soutenues par des gouvernements étrangers pour accéder à des technologies sensibles ou pour contrôler des secteurs clés d’un autre pays.
Sanctions ou embargos : restrictions commerciales imposées pour contraindre une entreprise ou son pays d'origine à revoir sa politique.
L’ingérence étrangère peut compliquer la gestion des entreprises, affecter leur réputation, et mettre en danger leurs actifs, particulièrement dans des secteurs stratégiques comme les technologies, l'énergie ou la défense.
2. Exemples récents d’ingérence dans des entreprises françaises
Les cyberattaques contre le Port de Marseille (2021)
En 2021, le Grand Port Maritime de Marseille a été ciblé par des cyberattaques visant à paralyser les opérations et à accéder aux informations logistiques sensibles. Ce type d'attaque, attribué à des groupes étrangers, visait à déstabiliser l’un des ports stratégiques de la Méditerranée, montrant l’importance des infrastructures critiques dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Cet incident a alerté sur le besoin urgent de sécuriser les installations portuaires et de renforcer les défenses numériques dans le secteur des transports et de la logistique.
Cyberattaques sur les laboratoires de recherche (2020)
Pendant la pandémie de COVID-19, des laboratoires français travaillant sur des vaccins et des traitements ont été la cible de cyberattaques, dont certaines attribuées à des États étrangers comme la Russie et la Chine. Ces attaques visaient à voler des données sur les recherches et essais cliniques liés au virus. Ces tentatives de vol de données ont mis en lumière l’importance stratégique de l’innovation dans le domaine de la santé et la nécessité de renforcer les infrastructures de cybersécurité pour protéger les recherches médicales françaises.
Espionnage industriel contre airbus (2019)
Airbus a été victime d’un vaste réseau d’espionnage, dans lequel des pirates informatiques liés à des acteurs étrangers ont ciblé ses sous-traitants pour obtenir des informations sensibles sur ses projets. Ces cyberattaques visaient à accéder à des données confidentielles sur les technologies de défense et les innovations de l'entreprise. Les attaques, sophistiquées, ont révélé les vulnérabilités de la chaîne d'approvisionnement de l'entreprise. Cet incident a poussé Airbus à renforcer ses contrôles de sécurité chez ses sous-traitants et à mettre en place des protocoles de sécurité plus stricts.
Alstom et le rachat par General Electric (2014)
La vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric a suscité de vives inquiétudes en France, certains considérant que des pressions américaines auraient pu favoriser la vente, affaiblissant ainsi la souveraineté énergétique française. Après le rachat, des soupçons d’espionnage économique ont été évoqués, certains analystes ayant affirmé que les autorités américaines auraient utilisé des éléments compromettants pour faire pression sur l'entreprise française. Cette affaire a montré comment des intérêts étrangers peuvent parfois orienter des décisions stratégiques qui affectent directement la sécurité économique nationale.
Ingérence dans l’énergie : Areva et la Chine (années 2010) L’entreprise française Areva (aujourd’hui Orano), spécialisée dans le nucléaire, a été impliquée dans plusieurs incidents de tentative d’espionnage industriel de la part d’acteurs étrangers. À la suite de partenariats et de projets en Chine, des cas de transfert involontaire de technologie ont été identifiés et des informations cruciales sur le cycle de production et les technologies de pointe d’Areva ont pu être exposées. Ces incidents ont mis en avant les risques de la coopération internationale dans des domaines sensibles et ont renforcé l’importance de protéger les brevets et secrets industriels.
5. Comment les entreprises peuvent se protéger
Pour faire face à ces risques, les entreprises doivent adopter une approche proactive et intégrer la sécurité à tous les niveaux :
Sécurité informatique renforcée : Investir dans des solutions de cybersécurité performantes et dans la formation des employés aux pratiques sécurisées, comme la gestion des mots de passe et la vigilance face aux emails suspects.
Surveillance des transactions : Lors de partenariats ou d’acquisitions, il est essentiel de mener des due diligence pour identifier d’éventuels risques d’ingérence.
Sensibilisation des employés : Les employés sont souvent la première ligne de défense. Des formations spécifiques doivent leur être données pour identifier les tentatives de manipulation et d’espionnage.
Protection des infrastructures : Les systèmes critiques, comme les réseaux de production, doivent être sécurisés et isolés des réseaux moins sensibles.
Collaboration avec les autorités : Dans certains pays, des agences gouvernementales peuvent fournir des conseils et un soutien pour évaluer et prévenir les risques d’ingérence.
La France a récemment intensifié ses efforts pour contrer les ingérences étrangères à travers une nouvelle loi adoptée en juillet 2024. Cette législation vise à limiter les interventions de puissances étrangères, qui cherchent à influencer ou déstabiliser le pays par divers moyens, notamment la désinformation, les cyberattaques, et le financement d'activités subversives.
Pour faire face aux risques d’ingérence étrangère, les entreprises peuvent s’adresser à des cabinets spécialisés, comme Kermeur. Grâce à son expertise dans l’analyse des risques stratégiques et la protection des informations sensibles, Kermeur accompagne depuis plus de 20 ans les entreprises en matière d’intelligence économique, de cybersécurité et de sûreté, avec des solutions adaptées aux spécificités de chaque secteur.
Conclusion
L’ingérence étrangère représente une menace réelle et complexe pour les entreprises. Face à des acteurs et à des stratégies de plus en plus sophistiquées, il est crucial pour les entreprises d’adopter des mesures de prévention, de protection et de réaction robustes. La vigilance des employés, la collaboration avec des cabinets spécialisés et les autorités ainsi que l’intégration de technologies de protection avancées sont des leviers indispensables pour faire face aux défis sécuritaires. En protégeant leurs actifs stratégiques, les entreprises peuvent non seulement préserver leur compétitivité mais aussi contribuer à la stabilité économique et à la sécurité nationale.
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